Le coût du panier d’épicerie augmentera encore en 2015, une hausse plus élevée que le taux d’inflation. L’an dernier, le prix de la viande a augmenté de 12 % et on s’attend à d’autres hausses importantes dans les prochains mois, surtout pour les aliments frais comme les légumes. Les ménages pauvres dépensent 60 à 80% de leurs revenus pour se nourrir, ce qui les rend très vulnérables lorsque le prix des denrées alimentaires augmente ou lorsque leurs revenus baissent. Les personnes sans emploi ou ayant recours à l’aide sociale ainsi que celles vivant au salaire minimum n’ont simplement pas un revenu suffisant pour l’achat d’un panier d’épicerie nutritif.

Montréal se situe au 2e rang des villes canadiennes où l’insécurité alimentaire touche une bonne partie de la population. C’est donc une personne sur six qui ne mange pas toujours à sa faim. Les banques alimentaires aident chaque mois plus de 140 000 Montréalais. Ces ressources s’approvisionnent souvent à partir des surplus des producteurs. Sachant qu’un grand nombre d’entre eux disent manquer de légumes frais, particulièrement au cœur des mois d’hiver, un projet novateur d’agriculture urbaine, le plus important en son genre au Canada, vient d’être annoncé à Montréal afin de pallier à ce problème.

Initié par le Regroupement des Magasins-Partage de l’île de Montréal en partenariat avec la Ville de Montréal et D-3-Pierres (entreprise d’insertion sociale en agriculture), CULTIVER L’ESPOIR vise à assurer un approvisionnement durable en légumes durant les périodes creuses de l’hiver aux organismes en sécurité alimentaire de Montréal. Ce projet s’intègre très bien dans le développement de Montréal, un précurseur dans le domaine de l’agriculture urbaine. On l’oublie peut-être, mais jusqu’au 20e siècle, la métropole s’est développée sur certaines des meilleures terres agricoles du Québec. Il n’est donc pas étonnant de voir que plus de 40 % des Montréalais sont adeptes d’agriculture urbaine.

CULTIVER L’ESPOIR a pour objectif de produire des légumes en régie biologique dans les prochains mois sur des terres agricoles non exploitées que possède la ville de Montréal dans l’Ouest-de-l ’Île. À terme, quelque 27 hectares de terrain seront exploités qui produiront l’équivalent de 250 000 sacs de légumes de 5 lb/2,27 kg. Les légumes racines qui y seront cultivés (betteraves, carottes, choux et rutabagas) sont des aliments couramment utilisés autant dans les cuisines des différentes communautés culturelles présentes sur l’île de Montréal que dans celles des Québécois de souche. Cet automne, L’entièreté de la production des légumes récoltés sera remise à un organisme dont la mission est de redistribuer aux banques alimentaires de quartier. Dès l’an prochain, la moitié des récoltes sera remise à divers organismes communautaires qui distribueront gratuitement cette production à des familles montréalaises démunies. L’autre moitié sera vendue à des grossistes locaux de légumes biologiques, ce qui assurera une partie de la pérennité du projet et ultimement, ne pas dépendre des deniers publics, du secteur philanthropique ou des entreprises.

C’est prouvé, la culture de fruits et légumes dans les villes améliore l’approvisionnement en produits frais et nutritifs, et permet aux démunis d’accéder plus facilement et économiquement à des produits alimentaires. Toutes les nutritionnistes le disent, les fruits et les légumes sont très riches en nutriments. Toutefois, la majorité des personnes vivant avec un faible revenu consomment moins de trois portions de ces aliments par jour. D’autre part, quelque 40% des Montréalais n’ont pas accès à des fruits et légumes frais et de qualité, près de leur lieu de leur résidence. En revanche, les plats riches en graisses et en sucres bon marché sont très faciles à trouver. Un phénomène qui contribue à de nombreux problèmes de santé et à l’instauration de mauvaises habitudes alimentaires qui risque de perdurer toute la vie.

L’agriculture urbaine pour assurer la sécurité alimentaire à tous les Montréalais est un projet rassembleur qui va donner une image distinctive à la ville. Non seulement, il favorise l’accès à une nourriture de qualité pour tous et valorise les produits des cultures locales, il reflète les valeurs communes et actuelles des Montréalais : le partage, la solidarité et le respect de l’environnement. À partir d’une idée ancrée dans le passé, CULTIVER L’ESPOIR innove, s’adapte au Montréal d’aujourd’hui et le positionne pour l’avenir.

Sylvie Rochette
Directrice du Regroupement des Magasins-Partage de l’île de Montréal

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