Lettre d’opinion parue dans La Presse édition du 15 août 2022

La pénurie de main-d’œuvre touche tous les secteurs économiques. L’inflation galopante, la hausse des taux d’intérêt et de l’indice des prix à la consommation touchent toutes les familles, mais plus encore les familles vulnérables.

Qu’ont en commun ces enjeux ? Ils mettent de la pression sur les enfants et adolescents à entrer tôt dans le marché de l’emploi, que ce soit parce qu’ils se font courtiser par les employeurs ou parce que leur pouvoir d’achat a diminué. Ce faisant, ces jeunes risquent de mettre l’école au second plan, ou pire, de carrément décrocher.

Cela est d’autant plus préoccupant quand on sait que les enfants de familles défavorisées sont :

– deux fois plus à risque de décrochage scolaire ; près d’un élève montréalais sur trois ne finira pas son secondaire, et dans certains arrondissements plus durement touchés par la pauvreté, c’est près d’un élève sur deux ;

– trois à quatre fois plus nombreux à accuser des retards scolaires ;

– deux fois plus nombreux à éprouver des problèmes d’apprentissage ;

– plus nombreux que ceux de familles favorisées à ne pas déjeuner, à être sédentaires, ainsi qu’à avoir une faible estime d’eux-mêmes.

UNE OBLIGATION POUR CERTAINS

Pour les familles qui n’ont pas les moyens de garnir la boîte à lunch de leurs enfants ou de leur acheter le matériel scolaire adéquat, et pas qu’un sac plastique avec des vieux bouts de crayon – une situation vécue fréquemment par le Regroupement Partage qui distribue fournitures scolaires et denrées alimentaires dans le cadre de l’Opération Sac à Dos –, envoyer ses enfants sur le marché du travail devient un choix évident, ou plutôt, une obligation.

Pour contrer cette situation et préparer nos enfants vulnérables à la réussite afin de demeurer une société productive et prospère, depuis plus de 20 ans, le Regroupement Partage leur vient en aide. Chaque année, l’organisme a réussi à bonifier son aide, pour soutenir davantage d’enfants et de familles. Cela ne sera malheureusement pas le cas cette année, puisque 2000 enfants de moins seront aidés, soit une diminution de près de 30 % par rapport à l’Opération Sac à Dos de 2021, lors de laquelle près de 7000 enfants et leur famille avaient pu bénéficier du soutien du Regroupement.

Cette baisse s’explique par la hausse importante du coût des aliments et des fournitures scolaires qui affecte aussi les organismes qui aident les familles touchées par cette même situation, ainsi que par la baisse des financements COVID alloués au Regroupement Partage.

Le Regroupement Partage ne parvient à aider que 5 % des enfants vivant en situation de pauvreté à Montréal⁠1. Même si le Québec affiche un taux de pauvreté infantile inférieur à la moyenne canadienne (13,9 %), dans certains quartiers de Montréal ce taux est trois fois plus élevé et atteint plus de 30 % des enfants, soit près d’un enfant sur trois.

Au-delà des sacs à dos, effets scolaires et denrées alimentaires qui seront remis, le programme vise à offrir aux enfants la confiance dont ils ont besoin pour s’accrocher à l’école. Quand on sait qu’un enfant montréalais sur trois ne terminera pas ses études secondaires et que la pauvreté a un effet direct sur la réussite de ces jeunes, l’Opération Sac à Dos⁠2 est encore plus primordiale cette année qu’à l’habitude.

Avec la pénurie de main-d’œuvre, nous ne pouvons nous permettre de voir augmenter le décrochage scolaire.

Il est également inconcevable d’accepter socialement que tous les enfants n’aient pas chance égale en lien avec leur cheminement scolaire.

Il est crucial que les partis provinciaux dont la campagne démarre sous peu prennent position et que nous agissions collectivement pour diminuer ces inégalités dont nous ne pouvons nous permettre l’impact social et économique.

Audrey Renaud directrice générale, Regroupement Partage

1. Consultez le portrait des enfants du Grand Montréal (2017)