Article parue dans dans Le Devoir édition du samedi 5 août 20223.
À l’approche de la rentrée scolaire, l’inquiétude grandit pour de nombreux parents, qui se demandent comment ils vont réussir à acheter toutes les fournitures scolaires pour leurs enfants. De plus en plus finissent par frapper à la porte d’associations, qui leur procurent tout le matériel requis, mais qui peinent à répondre à la demande grandissante.
« La demande a doublé depuis deux ans, c’est énorme. Et elle change de visage. L’année dernière, la moitié venait de personnes qui n’avaient jamais demandé d’aide auparavant », indique, inquiète, Audrey Renaud, directrice de Regroupement Partage.
Photo: Julien Cadena Le Devoir
Sur les étagères des locaux de cette association s’accumulaient des dizaines de cartons remplis de sacs à dos et de fournitures scolaires, lors du passage du Devoir. Chaque sac n’attendait plus qu’à être garni de cartables, de cahiers et autres crayons, avant d’être donné à un enfant. Au total, l’association compte distribuer cette année pas moins de 7000 sacs à dos contenant tout le matériel nécessaire à des élèves de la région de Montréal, de Longueuil et de Saint-Jérôme — ce qui ne représente que 15 % de la demande, selon sa directrice.
Un constat qui n’étonne pas Johanne Le Blanc, conseillère budgétaire chez Option consommateurs. « L’inflation frappe plusieurs secteurs : les articles de la rentrée scolaire, mais aussi l’alimentation, le loyer… Et tout ça ensemble, ça a un impact sur la capacité de pouvoir mieux affronter la rentrée scolaire sur le plan financier », explique-t-elle.
Prix en hausse, qualité moindre
Sur la totalité du matériel qu’une famille doit acheter à la rentrée, « on parle d’une augmentation de 20 à 25 % dans les deux ou trois dernières années », avance Suzie Roy, directrice générale de la Fondation du Centre jeunesse de la Montérégie.
Son association prévoit de fournir pas moins de 800 sacs à dos remplis à des enfants. « Avant, en cherchant des rabais, on pouvait avoir, pour 100 $, un sac et tout le matériel scolaire. Cette année, on se rend compte que faire un sac en deçà de 125 $, c’est très difficile, ajoute-t-elle. Et si on met des extras, une boîte à lunch, une bouteille réutilisable, ça frôle les 175-200 $. »
Outre une augmentation des prix, elle constate une nette diminution de la qualité des fournitures scolaires, ainsi qu’une baisse des quantités. Elle prend l’exemple d’une boîte de crayons : « Avant, il y en avait 12, mais maintenant, le prix est plus élevé et il y en a seulement 10. »
« La demande a doublé depuis deux ans, c’est énorme. Et elle change de visage », indique, inquiète, Audrey Renaud, directrice de Regroupement partage.
« L’inflation, nous aussi on la subit, on la vit, donc pour la même quantité d’argent, on peut aider un moins grand nombre de personnes. Les mathématiques ne fonctionnent pas, tout simplement. Les demandes explosent, les prix aussi, et on ne peut pas suivre la cadence », soupire Audrey Renaud, de Regroupement partage.
Suzie Roy précise pour sa part que son association s’attache à fournir à chaque enfant un sac personnalisé selon ses préférences, « au niveau de la couleur, d’un personnage qu’il aime ou d’une image qu’il aimerait avoir sur son sac, pour que ce soit vraiment à l’image de l’enfant, comme s’il avait choisi lui-même son sac s’il était allé magasiner avec ses parents », explique-t-elle.
« Ça favorise tellement la persévérance et la réussite, ajoute-t-elle. Un enfant ne devrait pas avoir à se préoccuper de sa rentrée, de l’aspect financier, de l’impact que ça a sur le budget de ses parents. Il devrait pouvoir faire sa rentrée et avoir les mêmes choses que tous les autres enfants. Pas plus, pas moins. »
Quelques pistes de solution
Pour les parents qui ne peuvent pas bénéficier des dons de ces associations, Johanne Le Blanc avance plusieurs solutions.
« On peut essayer de regarder ce qui est récupérable de l’année précédente, comparer les prix à plusieurs endroits avant de faire des achats, faire des échanges avec d’autres familles, et ne pas hésiter à aller voir des boutiques d’articles d’occasion, pour les vêtements, par exemple », énumère-t-elle.
Mélanie Laviolette, porte-parole de la Fédération des comités de parents du Québec, indique qu’il est parfois possible de demander aux écoles de revoir leurs listes. « Quarante-huit crayons à mine, ce n’est pas logique d’en demander autant, illustre-t-elle. Un cartable qui a fait un an dans le sac à dos d’un enfant de première année, il est encore bon l’année suivante. Je trouve cela illogique de devoir le changer pour une question de couleur ou de préférence de l’enseignant. »
Elle rappelle également que le gouvernement du Québec a versé un supplément de 115 $ par enfant au début du mois de juillet aux bénéficiaires de l’Allocation famille dans le but d’aider les parents à acheter des fournitures scolaires.
Et pour ce qui est de résister aux marques et aux publicités alléchantes, la conseillère budgétaire Johanne Le Blanc suggère aux parents d’impliquer les enfants dans le processus. « On peut leur dire : “Voici le budget dont je dispose. Si tu veux t’acheter des vêtements, voici ce que tu peux obtenir si tu achètes une marque, et voici ce que tu peux obtenir sinon.” »
« Ça prépare aussi les enfants, parce que plus tard, quand ils vont grandir, ils vont devoir composer avec cette réalité-là : on a des choix à faire, on ne peut pas tout acheter. »