Un, deux… 390 000 ? C’est pourtant ce que nous acceptons de faire comme société année après année en choisissant littéralement quels enfants auront une chance de succès et lesquels resteront dans un cycle de précarité presque hermétique.
Plus du tiers des personnes souffrant d’insécurité alimentaire au Québec sont des enfants, soit près de 400 000 jeunes dont l’avenir est compromis dans l’indifférence sociétale quasi générale.
Aussi difficile que cela soit de le constater, il faudra rapidement savoir prioriser les problématiques sociétales graves, tout comme l’on trie l’état de santé critique de plusieurs patients sur une scène d’accident.
Concrètement, arrêtons de nous embourber et de nous aveugler avec des solutions tape-à-l’œil et assurons-nous d’aider réellement la population pour miser sur une durabilité des actions dans le temps.
Si indispensables soient-elles, les importantes sommes d’argent public accordées ponctuellement par le gouvernement aux banques alimentaires pour répondre à la demande des organismes communautaires assommés par l’augmentation fulgurante des demandes d’aide alimentaire d’urgence sont une aide unidirectionnelle ne pouvant être durable et efficace à long terme.
Il est temps de renoncer aux solutions temporaires et superficielles qui nous trompent et nous empêtrent, et de commencer à réfléchir sérieusement aux véritables problématiques sociales auxquelles nous faisons face.
- Un travailleur à temps plein payé au salaire minimum gagne moins de 24 000 $ net par an.
- 45 % des Québécois de plus de 75 ans vivent avec moins de 26 000 $ par an.
- Un enfant sur cinq souffre d’insécurité alimentaire.
Enfant pauvre un jour, enfant affamé pour toujours : inacceptable !
Offrir aux jeunes générations comme seule option de revenir faire la file mois après mois au dépannage alimentaire avec leurs parents comme nous le faisons actuellement n’a rien d’une solution durable et acceptable.
Visons la base : le simple fait de soutenir un enfant dans son parcours scolaire, tant en l’équipant adéquatement, en le nourrissant, en le guidant et en l’entourant de personnes signifiantes aura comme impact direct de le garder à l’école potentiellement jusqu’à la fin de ses études en lui offrant les mêmes chances qu’un enfant issu d’un milieu plus aisé.
Un enfant qui arrive à l’école en confiance avec tout son matériel scolaire et qui n’a pas comme seule pensée la peur de ne pas manger aura un attachement plus important à son parcours scolaire.
La Société canadienne de pédiatrie note même dans diverses études la corrélation entre l’apport alimentaire suffisant au déjeuner et l’amélioration de la performance scolaire et de la fonction cognitive. Bref, nourrir les enfants adéquatement tend à augmenter leur capacité cognitive et à leur permettre d’accéder à leur plein potentiel intellectuel. C’est donc 390 000 petits cerveaux à soutenir pour un développement optimal.
Il est primordial d’agir rapidement pendant que nous le pouvons encore pour soutenir autant d’enfants d’âge scolaire. Ne sacrifions pas ces futurs talents, ces futurs travailleurs, ces futurs citoyens. Ne sacrifions pas ces enfants…
L’avenir du Québec en dépend !
Audrey RENAUD,
Directrice générale,
Regroupement Partage
Lettre d’opinion publiée dans La Presse, le 9 juillet 2024 et dans le Journal de Montréal, le 11 juillet 2024.